Au bout de la soie (Récit)

"Je vous partage ici, quelques récits de pêche que j’ai pu avoir lors de mes pérégrinations halieutiques, agrémentés d’un peu de romance, bonne lecture."

 

La Fermette

 

Une petite histoire de fermeture qui remonte à quelques années. C’était lors d’une fin de saison exceptionnelle comme j’en n’ai pas revu depuis, dix jours extraordinaires à pêcher le Fier, exclusivement en sèche.

Je passe donc ces derniers jours, à arpenter une rivière avec des eaux basses où l’eau coure lentement au fil des retombés de feuilles aux couleurs de l’automne. A part quelques sorties sans gobages où je pêcherai l’eau en sèche avec succès, le reste du temps se sera de la pêche à vue, accompagnée d’éclosions massives d’éphéméroptères. Une pêche en sèche qui ressemble au coup du soir que l’on peut faire l’été, des micros insectes accompagnés de minuscules gobages que beaucoup de moucheurs ne perçoivent pas. Des coups que j’adore, qui requièrent un bon placement par rapport au poisson, un posé et une dérive irréprochable, mais aussi un bon timing au moment du ferrage puisque le poisson vient cueillir la mouche en douceur dans la pellicule, on atteint pour moi la quintessence de la pêche à la mouche, chez nous.

Après ces dernières journées indécentes en terme d’activité, voilà qu’arrive cette foutue fermette. Je décide de la faire le samedi et de me garder le dimanche en famille, où il y aura trop de monde au bord de l’eau à mon goût. Comme tous les ans je passe les dernières heures sur le parcours que j’ai le plus pêcher dans la saison. A l’approche de la rivière, pas un seul pêcheur à l’horizon, je commence comme j’en ai l’habitude à monter la canne au bord de l’eau tout en scrutant la moindre activité en surface. J’aperçois rapidement une brisure sur l’eau pleine aval, puis une deuxième, à chaque passage de la soie dans les anneaux s’additionne un gobage, une fois la canne montée c’est une avalanche de spent qui s’agglutinent en fin de radier où une dizaine de poissons m’attendent gueule grande ouverte. Le genre de moment magique qui demande de gérer son impatience, comprendre la fréquence des gobages et être capable de choisir le bon poisson. Une journée de rêve qui se finit sur un coup du soir où je me casse les dents, sans trouver la clef pour faire monter le moindre poisson. Je reste quelques minutes sans pêcher pour humer et m’imprégner une dernière fois de l’ambiance de la rivière, la saison est TERMINEE.

C’est ce que  je croyais ! C’était sans compter sur ma femme qui le dimanche matin me fila des coups pieds au cul pour que je profite des dernières heures de la saison, je dois avouer que je ne me suis pas trop fait prier pour remettre le waders dans la voiture. En arrivant au bord de l’eau, comme la veille les poissons sont actifs en surface, les phryganes sont de sortie, à la surface de l’eau c’est un véritable génocide. Je rentre beaucoup de petits poissons toujours en sèche, le plaisir comme la veille est toujours présent, il est 18h la nuit pointe le bout de son nez. J’aperçois la clairière où la fin de ma saison doit se terminer, là une petite voix me dit de retenter le coup juste en dessus où je n’avais rien fait en sèche quelques heures avant.

Après dix jours à faire flotter des plumes, je me résous finalement à enfiler une nymphe au bout de ma pointe en 12ct. Je réitère mes dérives à l’endroit où ma sèche était passée, toujours rien. J’envoie alors ma nymphe de l’autre côté du courant, sur ce que j’appelle un coup mort. Un endroit qui pue le Fish à plein nez, un coup en amont d’une barre rocheuse où j’ai dû passer des centaines de fois ces dernières années, sans toucher la moindre écaille. Pour la énième fois de la saison ma nymphe arrive sous la falaise, sur une touche anodine, ma canne se met en U, je me fais aussitôt chahuter le poignet. Je la bride comme une mamie qui promène son Saint Bernard, mais là je n’ai pas le choix vu qu’elle n’a qu’une envie, rejoindre sa tanière où mon nylon ne survivra pas. Après une sérénade de quelques secondes, qui pour moi deviennent une éternité, j’entrevois enfin son museau qui vient embrasser mon épuisette, s’ensuit alors un cri de soulagement qui fait écho dans la vallée une dernière fois. Ce sera ma dernière dérive pour mon dernier poisson de cette fin saison éblouissante.

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Une ouverture printanière

 

Tout débute lors d’une saison où j’avais décidé de ne pas prendre le permis pour des soucis privés, comme cela peut arriver à chacun. Une première pour moi depuis l’âge de 7 ans, mes proches s’inquiétaient, ma mère a même cru que j’allais me suicider (ma mère exagère). Et puis, je me retrouve un samedi à midi (le 4 Mai) devant mon ordi et la je pète une durite, je branche l’imprimante et j’imprime le visa pour rêver. J’abandonne ma femme et ma fille devant leur croque-monsieur industriel, ma compagne interloquée commence à m’insulter, puis à s’inquiéter car on était en vigilance orange. Les rivières étaient tout juste en décrue depuis le matin, ça débitait encore sévère, 16 m/3 sur le Fier. Le genre de conditions où tu n’a personne au bord de l’eau, à part quelques vielles canailles du coins au vers. Bon c’est pas les meilleurs conditions pour le fouet, mais c’était mon ouverture ! Connaissant très bien la rivière, primordial dans ce genre de moment,  je savais que je ferai soit un capot ou un très gros poisson. J’attaque une demi-heure plus tard dans un secteur de gorges, pas le meilleur spot quand ça pousse, mais j’avais surtout envie de me retrouver dans un endroit, où je me sentais bien. Au bout de 3h, je dois me rendre à l’évidence, c’est une désillusion. Les nuages en dessus de moi commencent à accrocher la montagne, pas bon. Je reprends la voiture pour tenter mon affaire sur un dernier secteur.

Les nuages commencent à grogner, je monte une nymphe tête orange la base dans ce genre de conditions. J’attaque d’entrer jeu à trois mètres du bord, en bordure de veine. Au milieu de ma première dérive mon bras se lève comme souvent sans trop savoir pourquoi, je prends direct 15 mètres de ficelle dans la gueule et là je comprends que j’ai trouvé ce que j’étais venue chercher. Elle descend dans le pool du bas, je la cintre comme un sale pour qu’elle reste dans le fond de la veine centrale qui est sablonneux. Connaissant le fond de la rivière à cette endroit, avec de très gros blocs et des branches en bordure. Je sais d’entrée que j’aurai droit qu’à une seule chance, si elle sonde les blocs ou prend le haut de la veine pour descendre la gravière, je suis mort. « Souvent dans ces cas-là, j’envoie mon cerveau à Lourdes, pour aller bruler un cierge ». Au bout de quelques secondes, je la tiens plus, je décide de la faire remonter, je la passe en dessus des blocs, je l’aperçois enfin dans cette eau chocolat, frissons. Manque de bol, il me manque deux mètres de rallonge et je sais qu’elle va me la faire à l’envers avec un coup de caudale. Je saute à la flotte, je m’éclate le genou entre deux blocs, j’ abaisse le scion, le filet vibre, magique !

Je prends rapidement un très gros orage sur la gueule, le genre de moment que l’on a tous connu. Où tu balances ta canne dans la caisse rapidos et que tu rentres chez toi en conduisant en waders, manque de bol pour moi ce jour-là, je descends de ma voiture en croisant ma bombe de voisine, pas très sexy.

La rivière ce jours-là ma surtout offert un très beau cadeau pour ma première ouverture au mois de Mai, elle m’a dit de ne pas lâcher et de continuer cette passion qui me dévore et m’aide à respirer depuis temps d’années.

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Un défi, une mouche, une émotions

 

Comme chaque année je me donne un défi perso avant de débuter la saison. Cette année-là, je m'étais donné comme défi de pêcher toute la saison en sèche exclusivement peu importe les conditions, de mars à octobre. Un défi un peu fou, avec beaucoup de capots à la clef mais au final une saison qui m'aura permis d'apprendre énormément. Et au bout du deuxième mois lors d'une fin d'après-midi d'avril, j'attaque une gravière sur le Fier, d'entrée de jeu, je fais un petit poisson autour des 35 sur gobages. Puis plus rien pendant +3h à pêcher l'eau, long très long. Et sur la fin du parcours, un joli poste s'offre à moi avec un courant lent qui file sous un saule, garni de belles racines. Ma mouche se pose comme une feuille, au bord de la lèvre du courant principal et là, mon cerveau s'est arrêté, mon bras s'est levé. Un moment d'émotion et de rêverie, un très grand souvenir.

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